Un masque de Roses

Hautvillers, rue de la Fontaine Gillet, un jour de juillet à midi au soleil. (49° 4'56.42"N,3°56'33.53"E).

Agrippées au crépis du perron, une trentaine de roses joufflues, par un tintamarre de couleurs tentent d'attirer les bourdons en goguette. En se penchant un peu, en tendant l'oreille, on les entends râler d'impatience déjà ivres de nectar, attendant leur tour, salivant au dessus de ces calices frais et généreux.

Non, en fait la réalité est toute autre...

Rien de romantique, un rosier est un piège sanglant, un rosier ça pique, ça griffe comme une nana qui s'imagine l'univers à ses pieds, comme une michetonneuse pleine de pucerons.

Et encore, si ces roses étaient rouges tomate, garance ou cerise... Mais là, elles dandinent entre le blanc livide et le rose asthmatique.

Et pourtant, je suis là, devant, sidéré, je m'y plonge, m'échappant du bourdonnement de la rue, du chien qui jappe et du marmot à la couche pleine passant des bras de sa mère à ceux de son père dans cette rue où les touristes traînent la savate.

Une seconde d'éternité, un refuge entre deux mondes, un archipel revigorant, entre les abîmes de mon Soi et ce que je dois être face à l'Autre... Un îlot où les choix de ce que je pourrais être me semblent encore possibles.

Possible... Peau. Ce rosier est la peau de cette maison. Il magnifie les vides et les balafres de cette antiques bâtisse. Mais il est aussi pelisse, palissade, lisière défendant avec une rage acérée l'accès au Soi, à l'intime maisonnée, tout en étant d'amour et de gloire vers l'Autre.

Je suis là, devant, sidéré, je m'y plonge, il est Moi, je m'y trouve avec délice... Un instant.

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