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Partie 3/5 (Te) Saxa loquuntur. Une analogie entre la psychanalyse freudienne et l’archéologie.

Dernière mise à jour : 4 mai 2018


Heinrich Schliemann's wife, Sophia, wearing gold jewelry from Treasure A, ca 1873

What’s a man mind : comment Sigmund Freud pouvait-il percevoir la notion d’archéologie ?


À l’époque où Sigmund Freud porte son intérêt vers les antiquités et l’archéologie, la fouille stratigraphique n’était encore qu’une option méthodologique. Dans ce cadre, l’idée première est de distribuer un site en strates correspondant aux horizons historiques pressentis ou reconnus par la culture matérielle mise au jour. Nous ne sommes pas encore à la fouille stratigraphique comme nous l’entendons aujourd’hui. Il faut encore attendre 1954 pour que ce type de fouille stratigraphique soit réellement la méthodologie fondamentale de toute opération archéologique raisonnée et 1979 pour qu’elle soit « définitivement » théorisée.


  • Pourtant, Freud déclare dans L’Homme aux Loups : « Le psychanalyste comme l'archéologue dans ses fouilles était contraint de mettre à nu plusieurs couches de la psyché de son patient. ». Il y a dans cette citation une réelle volonté de modernité, un pari méthodologique et une preuve indéniable que Freud n’était pas uniquement un collectionneur compulsif d’antiquités.

  • Je pense qu'il n'y a ni pour l'un ni pour l'autre une volonté de triomphe sur la mort, mais une volonté de porter à connaissance un contexte disparu au risque d'en tuer ses objets représentatifs, non à continuer à le faire vivre ou revivre. La mise au jour est autant pour Freud que pour l'Archéologue le début de l'usure de l'objet, sa mort physique, sa disparition. Au final, ceci est le principe "thérapeutique" de la cure psychanalytique : mettre au jour, classer, historier, cartographier les interdépendances… reconnaître, utiliser, user, digérer et faire disparaître malgré soi.


  • La lutte contre l'effacement et la "seconde mort" est certes le rôle des musées archéologiques, certains conservateurs sont même archéologues à l'époque de Freud, mais le nombre d'objets de fouilles ayant le bonheur de bénéficier d'une stabilisation et d'une restauration est infime et relatif, au mieux, à la valeur esthétique, la notion d'exception ou de découverte fondamentale. Le reste, les doublons identifiés, les typologiquement connus, les pièces non dignes d'un investissement de restauration alimentent à l'époque et encore de nos jours le marché des antiquités officiel en les déconnectant du contexte relatif. L'érection victorieuse d'une pièce en vitrine est souvent en relation avec son caractère unique… exemplaire.


  • Nous vivons encore ceci de nos jours, au moins en France, où chaque région est censée être dotée d'un Centre de Conservation et d'Études où sont stockées et répertoriés tant bien que mal l'ensemble des caisses d'artefacts provenant des opérations archéologiques. N'en sont sortis ponctuellement que les objets d'étude ou pressentis pour les expositions thématiques.

  • En revanche, lorsque la méthodologie stratigraphique est appliquée avec conscience, l'artefact ou l'élément architectural conserve sa puissance d'acteur contextuel, peu importe sa future valeur exemplaire. À mon sens, Freud conçoit l'analogie archéologique en ce sens et en ce sens il est "avant-gardiste".


Son alimentation auprès du marché des antiquités devenant alors un autre sujet intéressant. Et dans le cas de Freud, se retrouver poussière et contenu, contraint à affronter l’éternité, dans un cratère grec est d’une ironie particulièrement fine.


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