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1937 : Le Champagne rend-il amoureux ?

Dernière mise à jour : 20 nov. 2020


Couverture de Paris - Mes Amours - décembre 1937

Les bouquinistes des quais de Seine à Paris recèlent encore de biens inattendus trésors.


C'est le cas de cette truculente revue Mon Paris : son visage et sa vie ardente. Le numéro de décembre 1937 pose une question fondamentale… Le Champagne rend-il amoureux ?


Je reproduis ici in extenso l'article de Monsieur Hugues ROYER.


Comme l'ensemble de la revue, cet article n'est bien entendu pas à mettre en toutes les mains. Je laisse le lecteur se faire sa propre opinion :



"C'est une grave discussion, même une controverse. Il y a deux camps l'un dans lequel on n'accorde au Champagne aucune vertu aphrodisiaque, au contraire; l'autre, en revanche, dans lequel on prétend qu'il n'est pas de bonne nuit d'amour sans Champagne.


Voilà quelques jours, dans un grand café près de l'Opéra, j'entendais un consommateur faire à un ami cette sereine confidence qui témoignait, comme on dit, d'un tempérament « allumé ».

— Moi, mon vieux, quand je bois du champagne avec une belle fille et que, tandis que je vide ma coupe, j'aperçois la sienne à hauteur de ses dents, je me sens extrêmement surexcité.

L'autre répondit :

— C'est tout naturel.

— Pourquoi ? demanda le premier, un peu étonné de cette aisance et de cette approbation.

— Parce que ce n'est pas le champagne qui t'excite, c'est la femme; même si elle buvait du porto, ce serait la même chose.

L'amateur de parties fines au champagne se tut. Il n'avait sans doute pas pensé à cela. Le duc de Morny appelait le Champagne : « l'invitation à l'amour ». Il s'y connaissait, il en buvait tousles soirs. Peut-être en déduira-t-on qu'il était aussi amoureux tous les soirs ? Gardons avec les personnages historiques une certaine réserve. Pourtant, lorsqu'on interroge la Faculté — en ses plus illustres représentants, bien entendu — on obtient des réponses assez déconcertantes.


Je me trouvais, quelques pours avant anniversaire d'un service universitaire, dans un banquet où quelques doctes personnages célébraient la naissance de je ne sais plus quelle philosophie. A ma droite, se trouvait un monsieur à barbe blanche, à ma gauche un savant rasé; mais ils se ressemblaient en ceci que ni l'un ni l'autre n avaient de cheveux et qu'ils parlaient avec la même autorité des merveilleuses découvertes de l'esprit humain. Je leur dis, à tous deux en même temps.

— Messieurs, excusez ma question qui, peut-être, choquera votre austère quiétude et vous ramènera des champs sublimes de la pensée subtile aux prairies que paissent les appétits communs...

Je n'étais pas mécontent de ma phrase. Ils parurent néanmoins un peu surpris et le chauve me demanda :

— Vous me feriez plaisir, monsieur, en m'expliquant où vous voulez en venir avec cette éloquence qui ne convient pas à l'heure tardive.

Le second fut plus prosaïque et plus bref :

— Qu'est-ce que ce galimatias signifie ? demanda-t-il, - et je ne pus tout à fait cacher mon ennui d'être si mal récompensé de mes peines.

J'abrégeai donc et posai tout de go ma question.

— Le champagne vous rend-il amoureux?

Ils me regardèrent tous deux en même temps comme si j'eusse été un phénomène peu ordinaire; puis, comprenant que je parlais sérieusement, ils burent un trait de cognac — nous avions dépassé l'heure du champagne— et ayant réfléchi quelque peu me livrèrent enfin le fruit de leur cogitation.

— Pour ma part, dit le premier dans ce robuste langage qui sied aux esprits libérés des contraintes mondaines, j'avoue que je trouve les fesses plus belles après un verre de Champagne.

Et il ajouta, plus bas :

— Je déclare même que la tentation que j'ai d'y porter les mains est si forte que j'y résiste difficilement.

Puis, après un nouveau silence :

— Et cela me plaît même beaucoup. Ai-je dit que c'était le chenu qui m'avait ainsi répondu ? Non, alors je répare.

L'autre prit plus de temps. Enfin, il se mit au discours :

— Je ne dirai pas comme Gargantua : « ce vin qu'on boit à Paris est des pires », mais j'avoue qu'il m'endort.

— C'est que vous en buvez trop, lui répliqua mon autre voisin. Il faut de la mesure en tout. D'ailleurs, il n'y avait point de champagne mousseux au temps de Rabelais, songez-y.

— J'y songe, mais cela ne fait rien à l'affaire. Au temps que je faisais mes études, le champagne existait et il me souvient qu'une nuit que nous faisions réveillon au cabaret qu'on appelait encore à l' « Imaige Nostre-Dame », et qui était tenu par un joyeux et coquet luron que nous appelions « Bibendum » car pour lui le temps était toujours venu de vider un pot,cette nuit-là, donc, il m'arriva de m'endormir tandis qu'une dame aimable qui avait eu la complaisance de se dévêtir se laissait verser et versait elle-même du champagne entre ses seins qu'elle avait fort beaux et que j'eusse trouvés affriolants si le vin ne m'eût si terriblement assommé. Il s'arrêta pour rêver aux seins et aux cuisses entrevus en cette nuit d'estudiantine débauche. Puis il reprit :

— Quand je m'éveillai, je m'aperçus que j'étais seul dans le cabaret et couché sur la table. J'essayai de me lever, mais cela me fut impossible pour cette bonne raison que pendant mon sommeil, mes camarades et nos folâtres amies avaient cloué sur la table vêtements mes — j'étais dedans, bien entendu — avec des clous de tapissier.

— Cela n'a rien à voir avec le Champagne, dit

doucement le savant barbu; c'était la bière qui était responsable, je connais ça.

Le savant rasé acquiesça bienveillamment.

— Peut-être, murmura-t-il, peut-être; mais comme j'avais bu du champagne après la bière, c'est du vin que je garde un mauvais souvenir.


Ainsi que vous le voyez, tout ceci ne prouve rien, et, si j'osais, je vous dirais bien mes convictions personnelles.


Puisque vous ne protestez pas, j'ose.


J'aime le champagne et voici mes mesures capacitaires : un verre m'aiguise le goût et amuse ma langue, deux verres éveillent mon esprit, trois verres éveillent mes sens, quatre verres m'alanguissent... la bouteille me met mal à l'aise. Voilà tout.


La plus jolie fille que je connais actuellement, en revanche, en boit deux bouteilles sans manifester la moindre fatigue, au contraire. Elle m'en apparaît ensuite que plus jolie et plus appétissante, sa chair devient plus rose et ses seins plus gonflés, les pointes s'érigent et prennent une importance délicieuse; c'est de là qu'on voudrait voir couler le vin pétillant comme de ces fontaines dressées au carrefour Dauphine lorsque le bon roi Henri entra dans Paris; encore ces femmes étaient-elles de plâtre ce qui n'est pas si bon pour l'amour.


La fille que je trouve la plus belle du monde, au contraire, est de chair, de « vivante argile » comme disent les poètes et je ne m'abstiens point d'admirer ses délectables jambes et l'étonnante rondeur de ses hanches lorsque je la découvre. Et lorsqu'elle a bu son Champagne, elle est plus touchante et plus tendre.


Cela me -permettra peut-être de consoler ceux à qui le vin de Champagne ne réussit pas complètement. S'ils n'en peuvent boire beaucoup, qu'ils en fassent boire au moins à celle qu'ils ont conviée à leurs agapes pour se réjouir le cœur, le corps et l'esprit. Ce sera encore plus agréable pour eux car ils goûteront la chaleur du vin par le truchement d'un corps plus amoureux et plus nerveux dans ses embrassements.


Et puis, il y a bien des façons de boire le champagne.

Les gens un peu brutaux y versent du cognac, ce n'est pas un mauvais procédé et la France s'y trouve représentée par deux de ses plus belles provinces; d'autres se contentent d'y glisser une cuillère de sirop de fruit pur ou du jus d'orange.

Vous voilà près du Réveillon.


Hâtez-vous de faire vos essais et vous serez prêts pour la grande soirée

qui ne souffre pas d'expériences; elles sont quelquefois décevantes et dangereuses. Jeûnez quelques jours avant, surveillez-vous.


Et alors vous verrez les résultats." Hugues ROYER



Paris - Mes Amours, décembre 1937

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