La Danse du Feu
- Fabrice LAUDRIN
- 15 juil. 2020
- 2 min de lecture
Dernière mise à jour : 20 nov. 2020

Hasard ou entonnoir de la vie... Il y a quelques jours j'écrivais sur un asthmatique rosier au blanc livide qui pourtant m'avait permis de toucher du doigt l'immense bien-être de me sentir ici et maintenant. (lien vers le billet)
Chez Thomas PERSEVAL(1), viticulteur à Chamery (51), existe l'antithèse à ce frêle rosier.
Visible depuis la rue, de ses quatre mètres de haut il toise avec bienveillance les promeneurs. S'étalant contre le perron de la maison familiale, il s'agrippe avec élégance aux générations qui passent.
Il me fait penser à ces antiques paysannes, les pieds solidement ancrés dans la terre des aïeux, l'écarlate aux joues, pulpeuses à souhait, enserrant la maisonnée entre leurs bras généreux. Elles sont belles de leur présence et rendent confiants mari et enfants.
« Le rosier de Mamie Jacqueline », comme l'aime à le nommer Thomas...
Quand a-t-il été planté ? Le souvenir s'en est perdu. Deux générations avant Thomas en tout cas. Ce rosier est un Danse du feu, cette variété a été créée en 1953. Le temps de la commercialisation, mettons 10 ans, je peux estimer ce rosier à 1963... Pratiquement soixante ans... Le double de l'espérance de vie attendue d'un rosier classique.
Je me demande si pour Mamie Jacqueline planter un rosier créé récemment est simplement une question de disponibilité de l'espèce chez le pépiniériste ou bien un choix de modernité si intense au début des années 1960.
J'écoute Thomas, il me conte la vente de lait dans cette cour à l'époque de sa grand-mère qu'il n'a pas connue. Il me glisse qu'il s'est piqué lui aussi en taillant le rosier. J'imagine une certaine fierté ou un adoubement, la goutte de sang sur l'autel familial.
Près de la balançoire, des jouets d'enfants... Il y a donc une quatrième génération à l'ombre de cet arbre mythologique.
Dans chaque humain occidental rampe et ondule le besoin de l'arbre originel, celui trempant ses racines à la source de cette multitude de petits ruisseaux qui font ce que nous sommes et souvent ce que l'on veut de nous. Nécessité incompressible de se ressourcer, de se recentrer au nombril de notre monde.
Ce rosier est l'un de ces arbres, cette cour l'un des Édens. Thomas a fait le choix de ne pas s'en éloigner.
Je roule maintenant à travers les vignes.
Dans ce terroir où les vins sont de caractère, je me demande s'il me sera maintenant encore possible d'apprécier un vin sans connaître l'Arbre à l'ombre duquel le vigneron s'est construit. Cet Éden où il s'est réalisé entre ce qu'il rêvait d'être et ce que l'on voulait qu'il soit.
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